Il est 19 h, j’écris ces quelques lignes au bord de la plage, un manchot qui me regarde sous un fond de Tito Puente. Je pense que le décor est idéal, n’est-ce pas ? Je reviens tout juste d’un barbecue organisé par une communauté bahaï (une des religions iraniennes interdites) dont un de mes colocataires, Salman, fait parti. Ambiance super sympa, des gens accueillants qui ne souhaitent que de faire plaisir, bonne nourriture, je ne demande pas plus . Depuis le début de la semaine, je ne vis plus qu’avec A$20, à peu près 10 €, je m’en sors pas trop mal je trouve, entre les barbecues gratuits, les pizzas que me ramène mon colocataire et mon maître de stage qui m’invite au restaurant, je réussis à survivre. C’est juste une période transitoire, j’attends ma première paye qui devrait arriver la semaine prochaine, et forcément entre la location de la maison et le reste, l’argent que j’ai ramené de France est parti assez rapidement. Que dire de ces derniers jours, j’aimerais tellement faire plaisir en disant que je m’ennuie, cela permettrait à certains de ne pas se ronger les ongles, ou encore de se jeter sous un train (il se reconnaîtra, je pense), mais non, il en est tout le contraire.
J’ai enfin acheté la semaine dernière quelques cartes « IGN » du coin, Mount Field (un parc national à 80 km d’Hobart, où l’on peut faire du ski en juillet), et le secteur de Mount Wellington, c’est-à -dire la montagne qui domine Hobart. Les cartes tasmaniennes sont profondément nulles, même si les Tazzie maps rehaussent le niveau (je ne peux pas en dire plus, j’en ai déjà bien trop dit, une petite recherche sur Google aidera à la compréhension)! Elles sont très mal découpées, ils vendent par exemple plusieurs cartes dont 5% de la surface correspond à de la côte, le reste étant l’océan. Les falaises ne sont pas représentées, les sources d’eaux quand ça leur chante… et une carte 1:20 000 n’est pas plus détaillée que la 1:100 000, un comble. Bref, c’est très loin du niveau de L’IGN Avec les colocs, nous sommes partis faire une toute petite randonnée en montagne, ils étaient assez pressés, le deal étant qu’ils m’accompagnent durant quelques heures, me laissent en montagne, et que je me débrouillerai pour revenir le lendemain, il était hors de question que je ne bivouac pas là bas. Le dernier bivouac datait de mon hivernale de décembre dans mon trou à neige (ah les Pyrénées !!!). Il est impressionnant de voir un si grand changement de flore en si peu de hauteur. Alors que le bas Hobart est très aride, en montagne, j’ai été stupéfait du changement radical de la végétation en l’espace de quelques dizaines de mètres seulement ! On passe d’une végétation sèche et aride, à une forêt luxuriante et humide, telle une vraie jungle infranchissable, puis à un maquis multicolore au sommet parsemé de blocs ambrés, de tailles d’Homme, dans la zone appelée « dead island – l’ile mortelle ».
Pendant ces deux jours, j’ai été bluffé par les paysages, mais aussi par les lois et règles: il est interdit de marcher en dehors des sentiers, ce que j’ai respecté bien entendu . Certains sont interdits d’accès, car ils mènent à des sources qui alimentent directement la ville, et sans aucun traitement. Mon but du weekend était de passer par une sublime cascade « Wellington Falls » dans un cirque de roches de dolérite (dolorite en anglais, roche magmatique intermédiaire entre le gabbro et le basalte), puis par un site d’escalade « the Organ Pipes » qui comme son nom l’indique ressemble aux tuyaux d’un orgue, et enfin de finir au sommet. Dès les premières minutes de marche, nous sommes tombés sur un long serpent, qui a vite pris la poutre d’escampette (il faut savoir que l’Australie compte parmi les serpents les plus dangereux), puis sur un échidné, sorte de porc épique à longue trompe qui se nourrit d’insectes. Mes colocataires lui ont couru après pour le voir, le pauvre était terrorisé, je ne m’étendrai pas plus, mais ça m’a un peu saoulé. La première journée s’est très bien passée, pleine d’émerveillements, de pierriers, de fougères gigantesques… mais le terrain n’était pas propice au camp (pas de place pendant 6 heures) et la nuit fut tellement humide ! J’avais emmené mes chaussons d’escalade espérant trouver quelques blocs d’entrainement, mais en vain. Du haut du Wellington, le panorama est tout simplement unique, difficilement descriptible. De minces étendues de terre émergeant d’un peu partout, de l’océan qui s’y infiltre en masse ainsi que des lagunes, une parfaite osmose entre Terre et Mer sur des dizaines de kilomètres, le tout sous un soleil radieux. Le haut est un véritable désert de basse végétation. J’étais parti en hors sentier, puis au loin j’ai pu voir une sorte de ponton d’une trentaine de mètres sur lequel les gens marchaient afin de ne pas abîmer cette fragile flore, tout en pouvant l’admirer. J’ai tout de suite compris que ce que je faisais était interdit, me disant qu’ils seraient capables d’avertir un garde, je fis marche arrière, et dix minutes plus tard alors que je mangeais tranquillement à l’ombre d’un rocher, un hélicoptère passait au-dessus de moi, simple coïncidence bien sûre, mais c’était bien drôle.
J’ai réussi à me faire prendre en stop par des Écossais qui m’ont déposé juste devant chez moi, il y a pire comme moyen de transport. Ces Écossais faisaient un tour du monde, et restaient quelques mois sur l’île. C’est incroyable le nombre de gens que je rencontre qui voyagent pendant de longues périodes. Beaucoup des Aussies que j’ai rencontrés ont visité de l’Europe plus que moi (je n’ai pas fait grand-chose non plus), les années sabbatiques ne sont pas mal perçues comme c’est le cas en France, mais plutôt signe d’une prise en charge pour un épanouissement personnel. D’ailleurs, ils y sont quasi encouragés par la manière dont ils peuvent avoir leurs vacances, c’est-à -dire pouvoir prendre tant de mois d’affilés (avec solde ? À vérifier) tous les x ans.
À peine de retour, le flickerfest, un festival de court métrage m’attendait au centre-ville. Ce fut un weekend en somme bien chargé, puisque le samedi matin avant d’aller en montagne je suis parti me promener au marché de Salamanca. Je m’attendis à tout sauf à ça. C’est un marché hebdomadaire, une des attractions majeures de toute l’ile. 10 fois plus grand que le marché de Noël de Toulouse, des joueurs de percussions, de cornemuses en kilts, des jongleurs …. Et bien sur des marchands. J’attends mon salaire avec impatience .
La semaine qui vient de passer l’a été sous le signe de la fête et de rencontres. Entre mon colocataire malaisien qui a tenté de me bourrer avec son vin rouge australien à 14.5 ° ( une norme par ici), le club d’escalade que je viens de rejoindre (la même bande que ceux de la première party), un jeune de mon âge qui revient d’un an à Dumont d’Urville (antarctique), un groupe de potes que j’ai rencontré pendant une grosse soirée d’intégration à la fac, des Français de la fac, des Français en van, et encore des Français, les barbecues… autant le dire, ça n’arrête pas. Les gens vont naturellement vers les autres, et dès qu’ils voient quelqu’un de nouveau, ils viennent se présenter. J’ai d’ailleurs pris la résolution de demander le prénom des personnes que je rencontre, mais de ne pas écouter la réponse, c’est beaucoup plus simple ainsi, il y en aurait tellement à retenir !! J’ai aussi pu récupérer un téléphone portable, qui est quand même bien plus pratique que d’échanger des emails sur les bras ! Ce que j’aime bien dans cette ville, c’est de revoir par hasard les amis au marché, à un festival de jazz, concert en plein air…, qui donne un caractère bien humain à cette ville à la population quand même importante. Hobart, comme de nombreuses villes australiennes, est très étendue en surface. Pas d’immeuble, sauf pour le Casino , seulement des maisons le plus souvent mitoyennes, avec un petit bout de jardin, la constituent. Par contre au niveau du littoral, c’est assez exagéré, la loi semble inexistante. Je me promenais vers Battery Point, quartier au bord de l’estuaire, il n’y avait que des maisons magnifiques avec vérandas au bord, leurs pontons personnels, et de temps en temps un mur de tôle difficilement franchissable si l’on ne veut pas finir mouillé.
J’avais parlé dans mon dernier message des vielles voitures, et c’est vrai que je trouve toujours autant la classe de se faire doubler par une vielle Ford dont le pot d’échappement claque telle une Harley, une Américaine, ou encore de voir une vielle deudeuche avec un kayac sur son toit. Mais les plaques d’immatriculation me dérangent. Elles sont toujours composées d’une petite phrase sympa « Tasmania, the way of life », «Tasmanie, holiday isle », « Tasmania, explore the possibilities », donc jusque-là ça me va, mais j’ai appris que la mascotte dessinée à côté est un tigre de Tasmanie « tazzie tiger ». La rumeur laisserait croire qu’il n’en reste plus qu’un dans la forêt vierge du sud-ouest, la vérité est qu’il a été énormément chassé par la population (au même titre que les aborigènes). Il était auparavant sur toute l’Australie, mais a disparu du continent à cause de la concurrence avec le Dingo. Quoi qu’il en soit, je trouve un brin hypocrite de mettre ce que l’on a tué en symbole. Ils n’ont pas dessiné d’aborigène sur le drapeau national que je sache.
Il y a du remue-ménage dans la maison. L’un des deux Malaisiens, Kieth, est parti lundi, et vient d’être remplacé par un autre (interchangeable), Ken. Le nouveau m’a impressionné, il a débarqué de l’avion à 15 h, et embaucha avec Joel, l’autre coloc, à 17 h dans la pizzeria. 2 heures pour trouver du boulot dans un pays étranger, c’est un exploit ! C’est vrai que le taux de chômage n’est pas bien élevé par ici, 2%. Et on vient de récupérer Tony, un gars qui a bien bougé à travers le monde, mais qui s’est surtout fait bouger par sa copine ! On rigole bien. Sinon, j’ai fait une grosse boulette, Salman n’est pas Américain, mais Australien ! J’avais du mal comprendre !!
N’hésitez pas à me dire ce qu’il se passe en France. Je suis complètement autiste en ce moment. À part Sarkozy qui dit que les chercheurs sont des feignants, et qu’il faut que les Français boivent du vin, je ne sais pas grand-chose sur les manifestations des étudiants : le 20 minutes n’est pas exporté par ici, vous comprenez ?
Hasta luego
P.-S. Le temps que j’écrivais, il me fallut partir prendre une glace à 0.25 € pour avoir un accès à internet et poster le message, qu’est ce que je ne fais pas pour vous.
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